Ce jour là,
le manoir était calme et silencieux. C'était un après midi de Novembre, l'hiver
approchait à grand pas, la neige allait bientôt recouvrir le magnifique jardin
du manoir. Mercredy s'activait à ses taches quotidiennes, et en allant relever
le courrier sur le pallier, elle remarqua une lettre venant de Hongrie.
L'écriture sur l'enveloppe était soignée et fine, et le cachet au dos, affichait des armoiries nobles. « Ah
tiens. » dit le capitaine, un sourcil relevé.
Plus loin
dans le manoir, Asmodée était assis à son bureau et lisait les nouvelles avec
un air intrigué, l'article était titré « Disparitions de nombreuses jeunes
filles en Hongrie. » Il reposa le journal, et se leva avant de murmurer
pour lui même que c'était un gâchis de sacrifier de jeunes filles encore prudes
et innocentes... Puis il eut un rictus qui aurait effrayé le plus courageux des
hommes. Asmodée se rendit dans le hall, où il retrouva Mercredy qui avait toujours
la fameuse lettre en main.
« Oh
Mercredy ! Comment allez vous ? » lui demanda-t-il, d'avantage par
courtoisie que par sympathie. Asmodée n'était pas le genre d'homme à
s'inquiéter pour les autres, mais il restait un homme de la haute société, et
qui avait été éduqué au plus haut rang.
« Cher
Asmodée, lui répondit la jeune femme, voyez vous, je suis intriguée par cette
lettre arrivée ce matin même.. Nous attendons une invitée spéciale qui devrait
vous plaire, ou vous irriter au plus haut point. »
« Dans
ce cas, j'attends avec impatience cette arrivée » conclus Asmodée avant de
tourner les talons et de repartir vers ses appartements.
Pendant le
reste de la journée, les employés de maison s'activaient à préparer une
nouvelle chambre pour cette invitée spéciale. Une chambre avec de grandes
fenêtres sur les murs, la pièce était noyée de lumière, et la vue sur le jardin
était saisissante. C'était une des plus belles chambres du manoir. Mercredy
avait supervisé la remise à neuf de la pièce pendant toute la journée, et le
soir venu, elle s'était endormie sur le lit à baldaquins pourpre. C'est Ayame
qui vint la réveiller doucement pour la mener en leur chambre.
Le
lendemain, Mercredy était attablée avec Ayame, Asmodée et Pomky pour le petit
déjeuner quand une carriole arriva devant le manoir. « C'est elle ! »
s'écria Mercredy en se levant brusquement de la table, avant de se précipiter à
l'extérieur pour accueillir son invitée.
« Bienvenue
Madame la comtesse. » dit elle en aidant son invitée à sortir de son
carrosse.
L'invitée en
question était la Comtesse Erzebeth, une jeune femme magnifique. Ses cheveux
bouclés tombaient délicatement sur ses épaules, et ses yeux de biche étaient un
piège pour quiconque osait plonger dedans. Sa robe longue et noire lui ajoutait
encore un degré de noblesse, elle était d'une délicatesse et d'un charisme
incroyable. Malgré sa figure imposante de femme de pouvoir, elle portait en
elle une grande souffrance, et un passé qui lui avait déjà fait beaucoup de mal.
« Bonjour
capitaine. » lui répondit la jeune hongroise.
Les deux femmes entrèrent dans le manoir, tandis que les
domestiques s'occupaient de déposer les affaires de la Comtesse dans sa
chambre. Cette dernière remercia Mercredy, avant de partir dans sa chambre pour
se reposer du voyage éprouvant. Mercredy se dit alors que la comtesse avait dû
supporter beaucoup de peines dans sa vie, et qu'une vie de chagrin ne pouvait
apporter que de mauvais mœurs...
Erzebeth,
une fois seule, sortit une petite fiole de son corsage, et s'assit devant la
coiffeuse. La fiole était remplie d'un liquide pourpre et épais. Elle ouvrit la fiole, et après l'avoir
regardée plusieurs fois, les mains tremblantes, elle finis par appliquer
doucement le liquide sur son visage, à l'aide d'un petit mouchoir. Une fois ce
rituel accompli, son visage se détendit, et elle soupira de soulagement.
La première
fois qu'Erzebeth s'adonna à ce petit rituel particulier, c'était trois ans
auparavant, le Comte venait de décéder d'une grave maladie et Erzebeth s'était rendue à une festivité
organisée par un duc non loin de son château. Là bas, elle avait rencontré le
fils du dit duc, et le charme avait opéré directement, faisant de lui son amant
dès la seconde soirée passée ensemble. Mais hélas, l'écart des années entre eux
se ressentait, elle n'avait pas l'âge d'être sa maîtresse, mais plutôt celui
d'une mère. Malheureusement pour elle qui n'avait jamais connu l'amour qu'au
travers de son mariage politique, cette liaison n'était possible que dans
l'ombre, et ne pourrait être officielle un jour.
Un jour,
lorsqu'elle passait le temps dans sa bibliothèque personnelle, Erzebeth tomba
sur un livre, caché et poussiéreux, traitant de rîtes vaudou. Elle
s'intéressait aux enchantements et autres magies qu'à l'époque la loi
condamnait, la Comtesse avait d'ailleurs sa propre guérisseuse, qu'elle avait
sauvée du bûcher. Ce livre l'intrigua, puis la passionna, lisant chaque page
très attentivement, elle semblait être aspirée par l'âme du livre. Et il y eu
cette page traitant d'un remède contre l'effet du temps. Sa situation eut écho
dans sa tête, et cette page la passionna bien plus que les autres. Le remède
était de répandre du sang sur la peau, mais pas n'importe quel sang, celui de
jeunes filles encore vierges et pures. Alors Erzebeth tomba dans cette spirale
infernale, par désespoir d'abord, puis par folie ensuite. Les jeunes
domestiques furent drainées de leur sang avant d'être emmenées au loin par
d'autres domestiques de la Comtesse. Puis il lui fallu du sang encore plus
pure, et d'autres jeunes filles, nobles cette fois, disparurent
mystérieusement...
Mais
hélas, le jeune amant de la Comtesse fut emmené au loin par le Duc, et elle ne
le revit plus... Le coeur brisé, Erzebeth perdit la raison et son désespoir lui
montrait un reflet qui n'était pas le sien, vieux et ridé, pas celui d'une
jeune amante, mais celui d'une Comtesse trop vieille pour s'adonner a l'amour.
Le sang fut sa priorité, il lui en fallait toujours plus, et autour du village
des questions commençaient à se poser. Les jeunes filles disparaissaient en
masse, et les loups affluaient dans les bois autour des terres d'Erzebeth.
Cette
macabre histoire se termine alors quelques mois avant l'arrivée de la Comtesse
au manoir de l'Equipage. Le jeune Duc enfin libre de se mouvoir comme il le
voulait, se hâte jusqu'au château d'Erzebeth pour lui rendre visite. N'étant
pas au courant des rumeurs qui circulaient autour de la Comtesse ces derniers
temps, il se rendit tout naturellement au château. Un domestique annonça le
jeune homme à Erzebeth, qui se précipita jusqu'à lui, les larmes aux yeux.
Après un
temps, le jeune Duc, remarqua une odeur assez gênante, puis de nombreuses
mouches virevoltant tout autour. Ce n'était pas habituel, la Comtesse avait
toujours été très propre sur elle, et le château avait toujours été très bien
entretenu. « Comtesse, quelle est cette odeur ? » lui demanda-t-il
alors qu'ils étaient à table. Elle ne lui répondit qu'à moitié, prétendant un
cheval oublié par ses écuyers. Cette question l'avait déstabilisée. Erzebeth
était aveuglée par son désir de rajeunir, depuis bien longtemps, et n'avait pas
été en contact avec d'autres personnes que son entourage de domestiques depuis
un long moment. Elle s'était isolée, et avec les disparitions des jeunes
filles, le village se taisait mais savait bien que dans ce château clos et
isolé, se passaient de bien macabres choses, et la Comtesse était redoutée voir
même surnommée la Comtesse sanglante au coin d'une cheminée, par de jeunes
enfants qui voulaient se faire peur.
La nuit
venue, pendant qu'Erzebeth dormait d'un sommeil tranquille, son jeune amant,
toujours gêné par l'odeur nauséabonde, entrepris d'explorer le château à la
recherche d'un vraie explication. Telle ne fut pas sa surprise quand il
descendit aux cachots... Il dut se retenir au mur, et la nausée lui monta très
rapidement. Le cachot était la pièce utilisée pour les saignées, et il y avait
de nombreux cadavres entreposés les uns sur les autres, la chair putréfiée attirait
les rats et autres parasites infects. Le jeune Duc ne comprit pas pourquoi, il
ne sut pas quoi faire et n'osait pas regarder la scène qui s'offrait sous ses
yeux. Il remonta au salon et essaya de penser à autre chose afin de prendre du
recul.
Erzebeth,
paniquée par l'absence de son amant, se leva et le rejoignit au salon.
« Que faîtes vous içi ? » lui demanda-t-elle
« Erzebeth,
vous portez l'odeur de la mort sur vous. Les ombres vous ont envahies...
Pourquoi ? J'ai vu les cachots, dites moi que vous n'êtes au courant de rien,
que vous ne savez pas ce qui s'est passé... Je vous en prie, je vous en
supplie... »
La Comtesse
baissa les yeux. « Je suis si vieille, vous êtes si jeune, mes mains sont
ridées et veineuses, votre peau est encore douce et lisse... » Des larmes
coulaient le long de ses joues, elle tomba à genoux devant lui.
«
Je ne suis plus celui que vous aimez. Vous avez embrassée la Mort, Erzebeth,
vous ne pouvez plus retourner en arrière à présent. Je ne suis qu'un vieux
souvenir pour vous, votre folie vous à perdue. Je ne sais quoi faire, mon amour
pour vous est toujours aussi présent et je ne peux vous dénoncer... » lui
dit il avant de sortir du château.
Quelques
jours après, elle reçu une lettre lui conseillant de fuir. Cette lettre disait
que les rumeurs s'étaient ébruitées jusqu'au Roi, qui demanda à ce qu'on
vérifie que la Comtesse étaient bien à l'origine des crimes et que les quelques
corps en décompositions retrouvés aux alentours étaient bien ses victimes... La
lettre évoquait aussi le manoir où elle pourrait trouver asile pour échapper à
une sentence bien lourde pour quelqu'un qui, par amour et faiblesse, se laissa
emporter dans la folie. La peine de Mort avait été jugée trop douce, alors la
Comtesse avait été jugée comme méritant d'être emmurée à jamais dans sa
chambre...
Erzebeth
savait que la lettre avait été envoyée par son amant, et elle écouta ses doux
conseils, elle revêtit sa plus belle robe, noire et brodée de dentelles
magnifiques, puis elle relaxa tous ses domestique, leur donnant assez pour
vivre loin de la Hongrie. Enfin, elle embarqua dans son carrosse, partant vers
le manoir de l'Equipage, avec comme seul
bagage un petit coffret contenant quelques fioles de son précieux élixir de
jeunesse...
Derrière elle,
le château brulait, faisant disparaître toutes traces des rituels macabres de
la Comtesse.
La
lettre que reçu Mercredy avait été envoyée par le jeune Duc il lui avait
expliqué l'histoire de sa maîtresse, et avait demandé à les meilleurs soins qu'elle
pouvait lui fournir.
Ouah! je découvre ce blog et suis complètement sous le charme...J'adore ton univers. Les mises en scènes et les clichés sont si beaux... vite je cours t'ajouter à mes liens ^^
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